JACQUES-BERNARD MAGNER

CPA

Si les opposants à la loi travail continuent à caricaturer le texte malgré les évolutions essentielles entre ses différentes moutures, la version qui sera prochainement discutée au Sénat intègre toujours la création d’un Compte Personnel d’Activité (CPA). Une des avancées sociales majeures du quinquennat.

L’exposé des motifs du projet de loi commence ainsi : « Le monde du travail entre dans une phase de profonds changements. Les dernières décennies n’en ont pas été exemptes : elles ont été marquées par la mondialisation, la part croissante des services dans notre économie et l’élévation des qualifications. »

Tout indique que cette mutation du travail comme du rapport au travail va se poursuivre voire s’accélérer.

Nous avons hérité des 30 glorieuses un modèle qui pour des raisons diverses, n’est plus pertinent aujourd’hui. Le travailleur typique du milieu du siècle dernier était plutôt un homme, dans l’industrie, salarié, à temps plein, faisant carrière dans la même entreprise.

La réalité de 2016 est bien différente : les carrières d’aujourd’hui sont faites de discontinuités, de reconversions, de précarité, de multi-activités, de sortie du salariat comme constantes du rapport au travail.

Un diagnostic implacable : le besoin de sécuriser les parcours tout au long de la vie.

L’émergence extrêmement dynamique de l’économie numérique abonde dans ce sens et produit déjà ses effets sur le monde du travail : pour l’OCDE, d’ici 20 ans en France, plus de 20% des emplois existants seront significativement impactés dans leur contenu par l’économie numérique.

Cette redistribution des cartes crée des opportunités, elle crée aussi des vulnérabilités. C’est la raison pour laquelle elle doit impérativement s’accompagner d’une sécurisation du parcours du travailleur tout au long de sa carrière, avec des droits très réactifs qui répondent précisément et rapidement à ses besoins du moment.

Pour la personne publique, cela pose des questions cruciales : 

-Comment assurer la continuité des droits de chacun dans ce contexte de carrières discontinues ?

-Comment faire en sorte que ceux qui subissent déjà chômage et précarité (les jeunes, les moins qualifiés, les séniors) ne soient pas écartés du marché du travail de demain ?

-Comment le numérique peut-il contribuer à repenser un monde du travail plus inclusif et générateur d’épanouissement ?

En avril 2015, le Gouvernement a annoncé la création au 1er janvier 2017 d’un compte personnel d’activité qui rassemblera, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, indépendamment de son statut, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser le parcours professionnel de chacun.

S’inspirant des travaux éclairants de France Stratégie, le projet de loi travail pose les bases de ce qui a vocation à devenir la plateforme centralisée de l’ensemble des droits des travailleurs.

Un CPA pour tous dès 2017.

Le compte personnel d’activité, dit l’article 21 du projet de loi, a pour objectifs, par l’utilisation des droits qui y sont inscrits, de renforcer l’autonomie et la liberté d’action de son titulaire et de sécuriser son parcours professionnel, en supprimant les obstacles à la mobilité.

Le CPA prévoit une grande portabilité des droits, qui est indispensable à l’efficacité de ses effets souhaités, afin d’éviter les ruptures ou pertes de droits qui peuvent freiner les changements et suppose une transférabilité facilitée des droits d’un emploi (ou statut) à un autre.  

Dès 2017, le compte personnel d’activité sera constitué :

 Du compte personnel de formation

 Du compte personnel de prévention de la pénibilité

 Du compte d’engagement citoyen

Seront concernés les salariés du secteur privé, les fonctionnaires, les travailleurs indépendants, les demandeurs d’emploi… Les droits seront attachés à la personne : quels que soient les changements d’emploi ou de statut, le CPA suit la personne et elle conserve ses droits.

Il s’agit déjà d’une avancée sociale d’importance mais la vocation du CPA est d’aller plus loin. On peut ainsi imaginer, à terme, que ce compte intègre les droits rechargeables à l’assurance chômage du travailleur, sa mutuelle, son compte épargne-temps, ses droits à la retraite…

Le travailleur pourra aisément, à tout moment, consulter ses droits personnels en temps réel, disposer d’outils de simulation de droits et d’accompagnement.

De nouveaux droits.

Le CPA est également un outil permettant de cibler et d’améliorer l’accompagnement vers l’emploi des personnes pour celles qui en ont le plus besoin.

 Pour les jeunes décrocheurs

Avec le « droit à la nouvelle chance », tout jeune de moins de 26 ans sorti sans diplôme du système éducatif aura le droit de se former gratuitement pour acquérir une qualification. Le nombre d’heures nécessaires à la formation choisie sera inscrit sur son CPA. Cette mesure complète le droit au retour en formation instauré par le Gouvernement en 2015

● Pour les jeunes qui ont participé au service civique

Le CPA recensera toutes les activités bénévoles ou volontaires au sein du compte engagement citoyen. Cela facilitera la reconnaissance des compétences acquises à travers ces activités, notamment dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Les jeunes ayant accompli une mission de service civique, les personnes s’engageant dans des réserves (militaire, sanitaire, de sécurité civile, citoyenne, etc.) et les maîtres d’apprentissage bénéficieront de points supplémentaires sur leur CPA, pour valoriser leur engagement et leur ouvrir plus de droits à se former. L’employeur pourra encourager l’engagement de ses salariés en abondant leur CPA.

● Pour les salariés sans diplôme

Le CPA donne accès à un capital formation supplémentaire pour apprendre un métier ou se reconvertir. Le CPA est alimenté de 40 heures chaque année, contre 24 heures aujourd’hui, dans la limite de 400 heures contre 150 heures aujourd’hui.

● Pour les demandeurs d’emploi non qualifiés

Tout demandeur d’emploi non qualifié devra bénéficier d’un capital de formation lui permettant d’accéder à une qualification. En 2016, le Gouvernement a dégagé 1 milliard d’euros pour soutenir la formation des demandeurs d’emploi peu qualifiés ; en 2017, le Gouvernement demande aux partenaires sociaux de travailler à la pérennisation d’un tel effort.

● Pour ceux qui veulent entreprendre

Le CPA, ce n’est pas que la formation ! C’est aussi le droit d’être accompagné dans un projet de création ou de reprise d’entreprise. Lorsqu’une création est bien accompagnée, cela aide beaucoup à solidifier le projet pour rendre l’entreprise viable et durable.

De la sécurité pour tous, de nouveaux droits, une action renforcée à destination des publics en difficulté, de meilleures conditions pour entreprendre ou se former, le Compte Personnel d’Activité a vocation à refonder l’architecture des droits du salariés et à fluidifier l’accès à ceux-ci, lorsque le travailleur le souhaite.

Le CPA deviendra un outil central de la maîtrise de sa carrière pour le travailleur, un outil pour l’aider à ne pas subir un monde du travail qui change. En ce sens, le CPA est une mesure de progrès social.